Masterclass #13 avec Arnaud Giraudon : De Fortuneo au Compte-Nickel, parcours au coeur de la fintech
Actualités de Startup PalaceLe 12 avril dernier, Arnaud Giraudon était l’invité de notre 13ème Masterclass. Il est revenu sur ses expériences accumulées ces dernières années, fortement marquées par ses ambitions entrepreneuriales. À chaque étape de son parcours, il nous a partagé les erreurs qu’il a commis, afin de tirer des enseignements de chacune d’entre elles. Un retour d’expérience plein d’humilité et de bienveillance.
Apprendre de ses erreurs
“Pour me présenter comme un winner, je vais vous raconter toutes les erreurs que j’ai commises. J’espère que vous avez du temps devant vous !”. Arnaud Giraudon considère que “chaque erreur dont on tire des leçons vaut plus qu’un succès dont on ignore la cause”. Il nous explique avoir toujours voulu comprendre toutes ses erreurs, le pourquoi, le comment afin d’en tirer le plus possible et surtout pour éviter de les reproduire.
Né de parents commerçants entrepreneurs, ce contexte lui apporte très tôt une vision de l’entrepreneuriat. Il se dirige vers des études d’ingénieur et crée lui-même une option création d’entreprise. Il s’implique beaucoup dans une junior-entreprise, ce qui lui permet de suivre les cours gratuitement dans une école de commerce où il n’étudie pas.
Impatient de nature, il ne fait pas une année de plus et se lance avec un collègue dans la création de sa première entreprise, à l’âge de 23 ans. Ils montent “une société qui distribue un logiciel capable de transformer un ordinateur en oscilloscope numérique”. La technologie est portée par son collègue, expert en électronique. De son côté, Arnaud a peu confiance en lui et pas de domaine d’expertise en particulier. Il se réfugie dans la gestion, alors qu’il faut vendre. La première leçon qu’il tire de cette expérience c’est qu’il faut être pragmatique et foncer, puis intellectualiser après. Avec le recul, il réalise aussi avoir cherché une performance technique “alors qu’il n’y avait pas de marché pour cette complexité là”. La troisième et dernière erreur qu’il commet intervient lorsqu’il commence à démarcher des distributeurs : “on en a vu un et on a signé un contrat d’exclusivité de distribution. Il s’est avéré que le distributeur n’en vendait pas du tout, ils ont tué notre produit.” Après cette première expérience, il réalise qu’il a besoin d’apprendre, de se perfectionner. “Ça avait fonctionnouillé. Mais je n’étais pas assez courageux pour aller loin, je n’ai pas cru en mon étoile, j’étais un peu pétochard.”
Il donne ici un point d’attention, c’est qu’on trouve toujours des bonnes excuses pour ne pas se lancer, par peur, par manque de confiance, on trouve trop facilement des excuses et on repousse, alors qu’il faut juste y aller.
Pendant 2 ans, il fait du conseil chez Accenture où il apprend à conduire des projets, se familiarise avec les cycles en V (anciennes méthodes agiles), mais surtout apprend à se connaître. Il se découvre une affinité pour tout ce qui est immatériel.
Rencontre avec la fintech
Breton d’origine et très attaché à sa région, il cherche la plus grande entreprise avec son centre de décision en Bretagne. À 26 ans, il arrive au Crédit Mutuel de Brest. Manque de chance, il est appelé au Crédit Mutuel du Sud-Ouest pour diriger une petite banque qui a quelques difficultés de fonctionnement. Il passe deux ans à la restructuration de cette banque et apprécie le fait de travailler pour une entreprise de taille intermédiaire.
Mais ce qui le motive vraiment, c’est de créer des emplois en Bretagne. Il retourne alors à Brest et se spécialise dans des projets de fusion structuration. Il évolue ensuite et devient responsable de l’organisation générale. Il parvient à avoir une vision transverse sur l’entreprise en touchant à tous les secteurs, “j’ai toujours essayé de lire par moi même, j’ai aspiré très tôt à comprendre tous les domaines d’une boîte”.
Il passe ensuite Responsable contrôle de gestion du groupe, ce qui lui permet de voir tous les process de l’entreprise, le pilotage des résultats, le bilan… Grand autodidacte, il se nourrit de toutes ces connaissances et ajoute encore une corde à son arc.
“J’ai toujours aimé apprendre. Gagner un maximum n’a jamais été mon sujet. Je reste tant que j’apprends. Apprendre, créer des emplois et disrupter les entreprises, ce sont mes vraies motivations.”
Intrapreneur vs entrepreneur
Après 4 années à ce poste, l’appel de l’entrepreneuriat est trop fort et il entrevoit une opportunité. À l’époque le Crédit Mutuel de Bretagne a une grosse culture de l’innovation et est la première banque en Europe à faire de la banque en ligne pour ses clients. Il décide alors de présenter un projet à sa direction “je suis arrivé avec mon powerpoint, j’ai vendu mon histoire et ils m’ont fait confiance”. Il crée une banque en ligne pour faire de la bourse en ligne et se voit attribuer une enveloppe de 12 millions d’euros pour développer le projet. “Je me suis retrouvé tout seul un jour de février 2000 a créer Symphonis, devenu aujourd’hui Fortuneo.”
“Je n’avais jamais placé une action de ma vie et 6 mois plus tard je faisais des conférences pour apprendre aux autres comment faire.”
Dans les années 2000, s’enrichir grâce à la bourse est une mode qui se propage vite, mais c’est aussi l’éclatement de la bulle internet. “Quand je me suis lancé il y avait 50 courtiers en ligne, 5 ans plus tard il en restait 6, et j’en étais”. Cette expérience le forge au travers notamment de ses erreurs en publicité, en marketing… De là, il apprend à devenir un véritable ROIste “j’ai compris que pour progresser là dedans, j’allais devoir mesurer le retour de tout ce que je faisais. Je mesurais dans tous les sens et le plus finement possible pour pouvoir apprendre.”
Une leçon qu’il tire de cette période “Il faut une forme d’excellence opérationnelle quand vous arrivez tard sur un marché. Le time to market est vraiment important, mais l’excellence opérationnelle prend le pas.”
Après 4 ans, Symphonis possède 4% du marché national. Le business plan n’est pas tenu à la lettre, mais un actionnaire qui a confiance en lui continue de financer le projet. Arnaud décide alors de s’intéresser à d’autres marchés et se penche sur l’assurance vie en ligne. Il n’a pas de connaissance en la matière, mais il s’y attelle et cherche ce qu’il pourrait apporter à l’existant. S’en suit une période de 2 ans assez creuse. Lui vient alors l’idée de matérialiser son produit. Il lance une grande campagne en transformant l’assurance vie en ligne en un paquet de lessive et il suscite l’intérêt. “Matérialiser un produit immatériel ça marche toujours bien. Une des erreur que j’ai souvent commise, c’est que j’étais tellement focalisé sur le retour sur investissement, que j’en oubliais la saveur de la marque, de l’immatériel. Mais ce qui est immatériel est incontrôlable.”
Ce qui devait arriver arriva, des concurrents ont commencé à faire la même chose, à copier l’idée. Ce qu’il croit être une catastrophe se transforme finalement en un grand succès. “Je n’ai jamais autant vendu. J’ai appris qu’il ne faut jamais être seul sur un marché nouveau.” Il vit un âge d’or pendant quelques années et Fortuneo reste aujourd’hui le leader de l’assurance vie en ligne.
Il souligne l’importance d’avoir quelque chose de différenciant pour le client, ce qui peut être déterminant. Mais aussi avoir un peu d’humilité : “on ne peut pas toujours tout révolutionner !”
Pressé et impatient, lorsque les choses se stabilisent, Arnaud Giraudon s’ennuie. En 2005, il est choisi pour diriger la Banque Privée Européenne, une filiale du Crédit Mutuel, qui emploie 300 personnes. Il intervient sur un modèle beaucoup moins disruptif qu’auparavant. Il crée l’activité gestion de fortunes et apprend encore de ce nouveau domaine.
Un an après, on lui propose la direction de Suravenir, la filiale assurance vie du Crédit Mutuel. Il y voit une opportunité de découvrir encore de nouveaux métiers, d’apprendre et de gérer de gros enjeux de gestion financière. Il occupe ce poste plusieurs années y compris pendant la crise de 2009. Il réussit à tenir la barre et expérimente l’acquisition d’une entreprise et l’intégration de celle-ci. “Il faut trouver le juste milieu entre ce qu’on garde et ce qu’on choisit d’amener.”
Retour aux sources
À l’aube de ses 42 ans, l’envie de retrouver l’entrepreneur qui sommeille en lui est trop forte, ce qu’il aime c’est créer. Son ancien patron, devenu directeur chez Ouest-France lui fait part du besoin de diversifier les revenus du journal. Ni une ni deux, “Je suis reparti de zéro et j’ai monté AcommeAssure.com”. Il rappelle ses anciens collègues de chez Symphonis et reconstruit une petite équipe, “on a jamais tous les compétences, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes”. Ils proposent de l’assurance de prêt pour de l’auto et de l’habitation, en se basant sur leurs connaissances plutôt que sur le marché. Ils effectuent plusieurs pivots et finissent par trouver leur rythme de croisière.
Souvent approché par des fonds d’investissement, il refuse à chaque fois les sollicitations, “je ne voulais pas quitter ma Bretagne”. Jusqu’au jour où la plus grosse fintech européenne en revenus, Compte-Nickel lui propose de rejoindre l’aventure comme directeur général. Le service propose de créer un compte sans banque, accessible sans conditions de revenus. Il y trouve le côté disruptif, une dimension sociale forte, mais aussi une vraie révolution technologique, ce qui en fait une initiative qui a du sens pour lui. Il ne peut pas refuser la proposition.
Depuis juin 2016, il est donc en charge de structurer l’entreprise, de la rendre plus institutionnelle et “d’accompagner la croissance de ce concept très puissant”. Chaque mois, Compte-Nickel croît de 7%, “c’est un défi de tenir cette croissance extraordinaire. Quand je suis rentré il y a un an, on ouvrait 18 000 comptes par mois, aujourd’hui on en ouvre 30 000”.
Arnaud Giraudon nous parle également de l’actualité du Compte-Nickel, dont l’annonce de rachat par BNP Paribas, a fait du bruit sur la toile ces dernières semaines. Il précise “dès le début du deal, on parlait de se faire racheter, ce n’est pas de la philanthropie. Ils veulent participer à l’aventure de façon intelligente, en ne changeant rien à la vision et à l’ambition”. Une collaboration qui devrait donc les faire profiter d’économies d’échelles importantes et leur donner les moyens d’accomplir la croissance qu’ils espèrent. “L’objectif c’est réussir cette croissance, cette migration informatique et pourquoi pas regarder l’étranger…”
Aujourd’hui, Arnaud Giraudon nous raconte faire de moins en moins d’erreurs, certainement grâce à celles du passé qui lui servent désormais d’enseignements au quotidien.
Nous remercions vivement notre invité pour son intervention, un message plein d’honnêteté et de simplicité et un parcours impressionnant ! ⭐️